Le 23 décembre 1993 était la plus ancienne date de la honte dans la communauté gaming. LambdaMOO, un jeu de rôle en ligne, certes bien vieillot de nos jours, avait cependant une communauté très importante et mixte. Hélas une porte ouverte dans le code source a permis à un tricheur de programmer des personnages qui allaient… violer les adversaires féminins (c’était d’ailleurs plus vicelard, car il contrôlait les autres joueurs, comme un maitre vaudou, les faisant commettre les crimes à sa place).
Le terme « viol » peut sembler absurde si l’on est hors de tout cela, mais un personnage en ligne n’est pas uniquement une chose proposée par l’ordinateur. C’est un être auquel on donne vie, que l’on modèle, que l’on fait évoluer et auquel on s’identifie. Le fait qu’il soit immatériel ne le rend pas moins réel, et son viol devient interprété par son possesseur comme un viol de lui-même. Pour donner un exemple plus concret, imaginez que vous ayez peint une toile, et qu’un homme décide d’avoir des rapports avec, quelle serait votre réaction ? Idem avec votre livre préféré, les personnages à l’intérieur, même fictifs, font partie de votre réalité, et votre sang ne ferait qu’un tour si une personne le frottait contre son sexe.
Au-delà de cela, toutes cyber-méta-considérations mises de côté, cela dénonce une triste évidence, les hommes (cis) sont obsédés par la culture du viol, et même s’ils ne violent pas physiquement, trouveront un moyen de plaisanter autour de cette horreur, car pour eux un cyberviol est classé parmi « l’humour » (et encore, on se souvient de #JadaPose, le hashtag où les gens se prenaient en photo, mimant la pose de Jada après avoir été violée…).
Quelle différence depuis 1993 ? Aucune, puisqu’à leur tour, GTA5 (hacké par DEEPER_IN_DA_BUTT) et DayZ ont été modifiés pour permettre aux hommes de violer les joueuses en ligne.
Imaginez la situation inverse. Les hommes déserteraient très vite les jeux en ligne, ne laissant plus que la place aux femmes. Vous comprenez aussi maintenant pourquoi les jeux-vidéo sont « un truc de mec ». Quand quinze hurluberlus viennent se frotter contre vous, vous quittez la partie et allez vérifier que vous avez bien enlevé toutes les traces de sang sur votre sécateur #MISANDRIE.
Hélas, et nous en venons au titre de l’article, les jeux vidéo ont évolué, passant de graphismes rudimentaires (LambdaMOO) à des visuels beaucoup plus photoréalistes (GTA5), or maintenant ils se fixent directement devant vos yeux, que ça soit avec l’Oculus Rift pour les plus fortuné.e.s ou le Cardboard de Google, au prix dérisoire, permettant un déploiement et développement extrêmement rapide de la réalité virtuelle.
Jeux vidéo pleuvent, dont certains multijoueurs, comme QuiVr, qui est celui dans lequel le viol a eu lieu.
Une jeune femme était chez son beau-frère, qui possède un casque virtuel, et elle a tenté l’expérience avec QuiVr, un jeu où vous êtes un archer qui doit dégommer depuis sa tour de garde toutes sortes de créatures qui tentent d’infiltrer le château (cf. son témoignage sur Medium).
Ce qu’il faut savoir c’est que tous les membres ont le même avatar, représenté basiquement par un casque, une main et un arc. La joueuse, tranquillement à repousser les monstres, s’est retrouvée soudainement face à un autre joueur, BigBro442, qui avec sa « main flottante », et après avoir avoir entendu sa voix féminine, s’est mis à frotter virtuellement sa poitrine.
Évidemment la joueuse s’est écriée « arrête! », a ri nerveusement, partagée entre l’embarras et l’absurdité de la situation, a tenté de s’échapper, tandis que son agresseur continuait à approcher sa main de sa poitrine virtuelle, de même que son entre-jambes. Résultat ? La jeune femme a retiré son casque et a préféré apprécier la lumière de son séjour.
Comment apprécier un jeu, en tant que femme (ou trans B/NB avec voix féminine), lorsqu’un autre joueur vient grogner devant vous en mimant une masturbation ?
Telle est la question, en 2016, année durant laquelle réalité virtuelle et réalité augmentée envahissent notre quotidien, tandis que des problèmes aussi rudimentaires que les règles, n’ont toujours pas été solutionnés, dû à leur statut tabou et sale.